Une mésaventure du Marquis de Satillieu… par Jacques Mouly


Extrait du livre de raison de Jacques Mouly (1788 – 1856) propriétaire à Champavère (Saint-Symphorien-de-Mahun), sur la mésaventure d’un seigneur local fort arrogant qui a été puni en conséquence d’un coup de force.

« Nous rappelons de l’existence de Jacques Mouly, notre respectable aïeul, quoi que fort jeune, n’ayant à l’époque de sa mort que soixante ans trois mois. Nous nous rappelons de lui avoir entendu raconter plusieurs aventures, entre autre un fait funeste qui arriva à Monsieur le Marquis de Satillieu, vers la 12e année de Jacques Mouly, et qui répond à l’an 1733. Le Comte de Pollignac, disait-il, qui habitait la ville de Paris , il était souvent à la cour où il avait vraisemblablement quelque emploi ; Il était décoré du cordon bleu de l’ordre du Saint Esprit, fut chargé par Sir M Louis 15, de faire le voyage de La Louvesc, où il se rendait dans une voiture de six chevaux, Il passait par Satillieu, étant accompagné de plusieurs autres Seigneurs aussi en voiture. Il arriva que deux des fils de Monsieur le Marquis de Satilleu, qui se promenaient dans leur terrasse ou dans leur jardin furent surpris de voir passer une voiture à six chevaux, sans doute que c’était peut-être la première fois qu’ils avaient vus un pareil équipage à Satillieu, sortirent de suite pour demander aux conducteurs à qui appartenait ce carrosse ? Le cocher leurs répondit d’abord qu’on ne le pouvait pas dire (parce que le Comte était incognito). Néanmoins ils persistèrent et furent assez imprudents que de porter la main à la bride du premier cheval, en criant à qui appartient ce carrosse ? Le cocher leur répondit encore. Je viens de vous dire que nous ne pouvons pas vous le dire, laisser donc aller les chevaux ; Mais comme ils persistaient encore, le cocher leur donna quelque coup de fait pour leurs faire lâcher les chevaux. Ces Messieurs de Satillieu en furent extrêmement offensés ; Ils s’en plaignirent de suite à leur père, qui était un homme fort opulent lequel il en fut aussi très piqué : Ils projetèrent de venger cet affront. »

Village et château des Marquis de Satillieu – © Mairie de Satillieu

« Le lendemain qui était Dimanche, ils commandèrent quelques fusillers du village de Satillieu, qu’ils mandèrent avec eux à La Louvesc à l’effet d’arrêter cet étranger qu’ils ne connaissaient pas, lequel était logé chez La Marce, représentée aujourd’hui par Challaye ; Le dit La Marce aubergiste leur conseillait de ne pas troubler ce Seigneur ; Car quoi que je ne le connaisse pas, disait-il, il a l’air d’être puissant. Monsieur le Marquis qui se croyait encore plus puissant, bisquait ; Tandis que ses fusilliers faisaient des décharges sur la place et au devant de la porte de l’auberge où était logé le Comte de Pollignac, Monsieur le Marquis de Satillieu, sonnait celui-ci à se rendre. Lorsque tout à coup il lui fit voir son cordon bleu et ses médailles, Monsieur le Marquis de Satillieu se jeta à ses pieds pour lui demander pardon de sa faute. Mais le Comte de Pollignac fut inflexible. Alors les Messieurs de Satillieu se retirèrent très confus et fort alarmés de la faute qu’ils venaient de commettre.

Quelques jours après il y eut un ordre du Roi portant que les biens de Monsieur De Satillieu seraient et son château détruits. Monsieur le Marquis de Satillieu abandonna lui-même son château pendant quelques temps ; Il implora la clémence du Roi par l’intermédiaire de Monsieur De Vogué, Seigneur de Gourdon et du Prince de Sousbise, Seigneur d’Annonay, ce dernier souvent à la cour, enfin il obtint grâce pour Monsieur De Satillieu. Néanmoins les troupes qui avaient été envoyées contre Monsieur De Satillieu restèrent quelques jours à l’auberge chez Pignat, aux frais de Monsieur le Marquis, ayant reçu contrordre de ne pas passer outre. Jacques Mouly, 1ier, disait qu’il se trouva par occasion à Satillieu lorsque cette troupe de Dragons y arriva ; Que l’un d’iceux lui dit : Petit tient mon cheval ; Mais comme ce cheval regimbait, il le laissa aller et s’enfuit à toutes jambes. Il n’était âgé à cette époque que d’environ douze ans, ce qui répond à 1733. »


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