Quelques jours avant son concert à Veyrines, Farnaz Moddarresifar a très aimablement accepté de répondre aux questions des Amis de Veyrines à propos de son instrument de prédilection et de sa propre pratique artistique et musicale en tant que spécialiste du santour.
Compositrice et santûriste, pourriez-vous nous présenter les principales caractéristiques de cet instrument ?
Le santûr est une cithare sur table persane à cordes frappées, en forme de trapèze et traditionnellement composé de 72 cordes tendues sur une caisse en bois. Joué avec deux baguettes légères en bois appelées «mézrâb », il produit un son riche et résonant. Il est diatonique et permet d’exécuter des techniques complexes avec une grande expressivité.
Le santûr est-il en principe utilisé seul ou avec d’autres instruments de musique traditionnels d’Iran ?
Le santûr peut être utilisé aussi bien en solo qu’accompagné d’autres instruments traditionnels iraniens ou la voix. En solo, il met en valeur la richesse de ses sonorités et me permet de m’exprimer dans un style plus personnel tout en respectant la tradition musicale persane.
Instrument utilisé depuis très longtemps en Iran, le santour a-t-il permis de transmettre des compositions très anciennes au fil du temps ?
Le santour, tel qu’il est joué aujourd’hui, trouve ses racines dans le répertoire du XVIIIe siècle, sous la dynastie Qâdjâr. Bien que les pièces très anciennes de la musique persane aient été interprétées sur d’autres instruments ou des versions plus rudimentaires du santour, la forme actuelle de cet instrument a toujours occupé une place importante dans la transmission de cette tradition musicale depuis l’époque de Qâdjâr.
Le santour étant un instrument diatonique, permet-il de jouer tous types de compositions ?
Le santour étant un instrument diatonique, il est limité à une échelle harmonique spécifique, ce qui restreint les types de compositions qu’il peut jouer. Bien qu’il soit parfaitement adapté aux répertoires traditionnels persans, où les mélodies et les modes sont conçus pour ses caractéristiques diatoniques, il y a des limitations notables pour les modulations.
Pour des compositions modernes ou des œuvres nécessitant une gamme chromatique étendue, des adaptations, l’utilisation de plusieurs santours, ou des arrangements peuvent être nécessaires. Il existe aujourd’hui des modèles de santour modulables, mais certains santouristes, dont je fais partie, préfèrent ne pas jouer sur ces instruments car, bien qu’ils offrent une liberté de modulation en temps réel, ils modifient la sonorité scintillante et résonante traditionnelle du santour.

© Maï Toyama
Qu’apporte votre formation en France à votre approche de la composition par rapport à la musique persane classique ?
Poursuivre une formation en composition contemporaine, en improvisation libre, ainsi qu’un master de musicologie en France m’apporte une perspective nouvelle sur le son, enrichissant ma pratique de la musique classique persane.
J’ai ainsi eu l’occasion d’approfondir les recherches que j’avais entamées à dix-huit ans en Iran, ainsi que d’explorer diverses techniques avancées, approches stylistiques différentes, et un répertoire d’écriture contemporaine pour cet instrument.
Cela m’a permis d’acquérir une dimension plus personnelle dans la composition, jonglant entre traditions musicales et innovation créative, et de développer une approche hybride qui intègre à la fois la rigueur des structures classiques et la liberté d’imagination sonore offerte par les techniques modernes
La musique classique persane est-elle principalement basée sur des compositions ou sur l’improvisation ?
La musique classique persane est principalement basée sur l’improvisation. Bien qu’il existe des compositions écrites, la majeure partie de la musique se compose de formes improvisées au sein de structures appelées « Dastgâh » (systèmes modaux) et « Guchéh » (mélodies).
Dans cette tradition, l’interprète joue à la fois le rôle de compositeur et d’improvisateur, adaptant sa performance à l’ambiance présente et aux inspirations littéraires persanes. Cette approche permet une expression personnelle profonde tout en restant enracinée dans les traditions culturelles.
Le récital « Improvisation sur des modes persans » se rattache-t-il à la musique classique persane ou à la musique contemporaine que vous composez ?
Mon récital se rattache principalement à la musique classique persane. Bien que l’improvisation soit une forme d’expression très personnelle et contemporaine, elle est ancrée dans les modes et structures traditionnels de la musique persane. Il s’agit d’une exploration créative au sein du cadre traditionnel, permettant d’allier respect des formes classiques et liberté d’expression moderne, le tout avec mon propre rythme de respiration.
Vous jouez souvent avec des musiciens utilisant des instruments non persans ; cela permet-il un accompagnement réussi du santour ou nécessite-t-il d’adapter les compositions ?
Tout dépend du type de répertoire que l’on joue. Improviser avec des instruments non iraniens est une expérience unique, mais lorsqu’il s’agit d’interpréter des pièces déjà écrites, il est parfois nécessaire de modifier ou d’arranger certains passages ou modes de jeu pour assurer une harmonie adéquate et des sonorités ou gestes adaptés.
Avez-vous déjà joué dans des édifices religieux anciens tels que l’église de Veyrines ? L’acoustique de ce type de monument correspond-elle aux besoins du santour ?
Oui, j’ai eu l’occasion de jouer dans des édifices religieux anciens. L’acoustique de ces monuments est idéale pour le santour, car elle enrichit la résonance et met en valeur ses sonorités. Les espaces vastes, entourés de pierres chargées de siècles de prières et de sacré, créent une ambiance très inspirante qui accentue la magie de l’instant présent pour moi.
INFORMATIONS PRATIQUES :
Artiste : Farnaz Modarresifar (https://www.farnazmodarresifar.com/)
Organisation : Carrefour des Arts
Horaires : Vendredi 16 août à 18h30
Localisation : Eglise de Veyrines
Billetterie : 18 € (voir : https://www.helloasso.com/associations/carrefour-des-arts/evenements/festival-inspiration-musique-en-haute-ardeche/)
Parking : Dans le hameau et à proximité (sur les bas-côtés de la route d’accès)
En savoir plus sur
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
